Enjeux de la Chine contemporaine

LA CHINE DE XI JINGPING

Désigné comme « noyau dirigeant » du Parti communiste chinois (PCC) fin 2016, Xi Jinping a vu, honneur jusqu’alors réservé seulement à Mao, sa « pensée » inscrite dans les statuts du parti lors du 19e congrès d’octobre 2017, qui l’a reconduit pour cinq ans à la tête du parti. (...) Car la Constitution limitait jusqu’alors à deux les mandats du président, une fonction occupée en principe par le secrétaire général du parti (M. Xi sera de nouveau désigné président du pays lors de la session parlementaire de mars). C’est cette limite des deux mandats qui disparaît dans la série d’amendements décidée par le Comité central en janvier.

les nouvelles routes de la soie

Depuis 2013, la Chine est chaque fois plus présente un peu partout dans le monde avec son projet de nouvelles routes de la soie, aussi appelées « Une ceinture, une route » (Belt and Road Initiative, BRI), qui comprend une partie continentale et une autre maritime.

Dans le cadre de ce projet pharaonesque, les Chinois ont signé des ententes avec 125 pays afin d’y construire des infrastructures telles que des ports, des autoroutes, des aéroports et des chemins de fer, mais aussi des pipelines, des centrales hydroélectriques et des réseaux de fibre optique. Les entreprises chinoises ont mis en branle quelque 3000 projets depuis le lancement de la BRI.

Du Pakistan au Panama, en passant par le Nigeria et la Grèce, la Chine aurait déjà investi au moins 70 milliards de dollars américains pour encourager ces pays à lui ouvrir leurs marchés, à faciliter les échanges et à connecter leurs marchés financiers aux marchés chinois.

EMPIRE ÉCONOMIQUE ET TECHNOLOGIQUE

« La Chine est aussi passée depuis longtemps de l’imitation à l’innovation. On compte 186 licornes en Chine, plus de 4.000 incubateurs, et des fonds d’investissements aux moyens presque illimités (comme Sequoia Capital, Tencent ou Sinovation Ventures de Kai-Fu Lee). Les investissements sont souvent pilotés par le gouvernement, qui met en place un écosystème très favorable pour le développement de l’innovation dans les secteurs stratégiques, y compris en modulant jusqu’aux frais de l’électricité et de location. Là où l’Europe cède souvent ses start-ups aux investisseurs américains ou asiatiques une fois atteint une certaine taille, la Chine permet à son écosystème d'innovation de se mettre à l’échelle de la demande. Et pour booster l’innovation, les grandes plateformes des BATX n’hésitent pas à se lancer dans une concurrence féroce entre-elles (WeChat Pay vs AliPay). »
La Chine compte aujourd'hui certaines des entreprises de technologies les plus valorisées au monde :
1. Apple
États-Unis
961,3 milliards $
2. Microsoft
États-Unis
946,5 milliards $
3. Amazon
États-Unis
916,1 milliards $
4. Alphabet
États-Unis
863,2 milliards $
6. Facebook
États-Unis
512 milliards $
7. Alibaba
Chine
480,8 milliards $
8. Tencent Holdings
Chine
472,1 milliards $
17. Samsung
Corée
272,4 milliards $
20. Intel
États-Unis
236,1 milliards $
Bytedance*
Chine
75 milliards $
Huawei*
Chine
62 milliards $
Baidu
Chine
59,7 milliards $
Didi Chuxing*
Chine
56 milliards $
Meituan Dianping
Chine
40,4 milliards $
Xiaomi
Chine
35,7 milliards $
It is this frenetic energy and intense competition, not Chinese government attempts to pick winners and set targets, that is driving innovation in China. Across sectors, the most exciting companies began as renegade startups. [...] Small and medium-sized enterprises produce 80% of China’s most innovative products, according to a World Economic Forum white paper. The first wave of Chinese innovation is in business models, not the technological breakthroughs targeted in government white papers. But one may drive the other. As they mature, China’s tech giants are opening research facilities overseas and focusing on areas like AI and self-driving cars. 

Le succès de ByteDance se fonde notamment sur une recommandation personnalisée plus efficace que celle de Facebook, développée dans son laboratoire IA. En sept ans, ByteDance est devenue la start-up la mieux valorisée du monde (75 milliards de dollars). Lancée dans un petit local près de l’Université de Beijing, le nombre d'employés de l'entreprise ne cesse d'augmenter depuis sa fondation, proportionnellement à son expansion mondiale, avec une présence, à ce jour, dans 150 pays et 75 langues. Une partie importante des employés est notamment chargée de contrôler les vidéos, après un rappel à l’ordre par le gouvernement chinois pour diffusion de "contenus vulgaires".
Son produit le plus connu à l’international est l’application de vidéos courtes TikTok, qui est en train de faire de l’ombre aux autres réseaux sociaux installés à l’Ouest, surtout auprès d’un public féminin (très) jeune. En France, plus de la moitié des jeunes filles de 11 à 14 ans l'utiliseraient (selon Génération Numérique).
Contrairement à TikTok, connu principalement pour des vidéos humoristiques ou de performance créées par des jeunes, Douyin se revendique « la plus vaste plateforme chinoise de connaissance, d’art et de patrimoine culturel ». L’année dernière, 14,89 millions de vidéos « basées sur la connaissance » ont été partagées sur l’application, les catégories les plus populaires étant la cuisine, l’apprentissage linguistique, les matières scolaires et l’éducation professionnelle. Douyin met en valeur également le rôle de l’application pour promouvoir le patrimoine artistique chinois, à travers des filtres spéciaux de l’Opéra de Pékin ou son « plan pour les arts » en partenariat avec des créateurs et universitaires.

CONTRÔLE ET SURVEILLANCE

The Chinese are, arguably, among the most surveilled people on Earth. The government equips lots of cameras with facial recognition, monitors citizens’ income and their social activity to determine their social credit score. A lower score can affect a person’s job opportunities, travel options, and much more.  
Since April 2017, this city in China’s Guangdong province has deployed a rather intense technique to deter jaywalking. Anyone who crosses against the light will find their face, name, and part of their government ID number displayed on a large LED screen above the intersection, thanks to facial recognition devices all over the city.

[...]

The system is just one cog in the vast surveillance machine that the Chinese government has been building over the last several years. Its aim is in part public safety and security, but the information on citizens’ whereabouts and activities will also feed into China’s national social credit system.  

“L’idée est de collecter des centaines de données sur les individus et les entreprises, depuis leur capacité à tenir leurs engagements commerciaux jusqu’à leur comportement sur les réseaux sociaux, en passant par le respect du code de la route”

Séverine Arsène, dans Le Monde, 2018

ZHIMA CREDIT

For the Chinese Communist Party, social credit is an attempt at a softer, more invisible authoritarianism. The goal is to nudge people toward behaviors ranging from energy conservation to obedience to the Party.

Like any conventional credit scoring system, Zhima Credit monitors my spending history and whether I have repaid my loans. But elsewhere the algorithm veers into voodoo, or worse. A category called Connections considers the credit of my contacts in Alipay’s social network. Characteristics takes into consideration what kind of car I drive, where I work, and where I went to school. A category called Behavior, meanwhile, scrutinizes the nuances of my consumer life, zeroing in on actions that purportedly correlate with good credit.

Shortly after Zhima Credit’s launch, the company’s technology director, Li Yingyun, told the Chinese magazine Caixin that spending behavior like buying diapers, say, could boost one’s score, while playing videogames for hours on end could lower it. Online speculation held that donating to charity, presumably through Alipay’s built-in donation service, was good.
Hôtels Alibaba, hôpitaux Tencent, services publics via WeChat (qui est en fait devenu synonyme de smartphone) - les liens étroits entre entreprises et plateformes dans des domaines stratégiques du Big Data et le gouvernement chinois ne sont pas un secret. La loi interdit aux banques d’être hébergées sur des clouds privés, les données des Chinois n’ont pas le droit de sortir du territoire, les informations pour la reconnaissance faciale utilisés dans AliPay proviennent du système national de sécurité, Zhima Credit d’Ant Financial est partenaire technologique du programme national de "Crédit social", et en février 2019, la structure gouvernementale responsable de la planification en Chine a inauguré un laboratoire d’IA en partenariat avec Baidu. Le système du “Crédit social” basé sur la collecte d'informations sur les réseaux sociaux et via 170 millions de caméras de surveillance intelligentes serait en effet impossible sans la coopération des BATX. Une imbrication qui peut paraître redoutable du point de vue d’une démocratie occidentale, mais qui est très bénéfique pour l’entraînement de l’intelligence artificielle, là où l’Europe s’auto-censure avec le RGPD et où les Etats-Unis se lancent dans des discussions anti-trust.
A quelques années du lancement officiel du score de crédit social, les observateurs se demandent encore jusqu’où ira la Chine dans ce vaste système d’évaluation. « On ne sait pas si les citoyens seront amenés à se noter entre eux et comment ils y seront obligés, on ignore s’il s’agira de plusieurs notes ou d’une note unique comme à Rongcheng, jusqu’à quel point les informations seront partagées, rendues publiques. Mais aussi quelle sera l’implication des entreprises dans ce processus », égrène Antonia Hmaidi. De quoi largement alimenter encore les doutes et les scénarios orwelliens.  
An “emotional surveillance” system is allowing supervisors to scrutinize employees’ brainwaves for signs of distress, according to a report from the South China Morning Post (SCMP). The technology is the result of a government-backed project. Here’s how it works.

Lightweight sensors embedded in workers’ hats or helmets wirelessly transmit the wearer’s brainwave data to a computer — it probably works a bit like an electroencephalogram (EEG), as MIT Tech Review notes. Then, artificial intelligence (AI) algorithms scan the data, looking for outliers that could indicate anxiety or rage. Some organizations use the sensors during routine work, while others embed them in virtual reality (VR) headsets to monitor workers’ emotions during training exercises.
Le Projet de Système de crédit social (PSCS) chinois combine à la fois des big data et des modèles algorithmiques afin de créer une nouvelle forme de pouvoir pour le gouvernement chinois. Ce système intègre des données tirées de différents départements gouvernementaux afin de surveiller et modifier les comportements des citoyens de Chine en lien avec l'agenda du gouvernement chinois. L'émergence de ce système a le potentiel de créer de nouvelles formes d'inégalités sociales et de restreindre les libertés individuelles. Même si aucun système aussi étendu que le PSCS chinois ne sera implémenté prochainement dans les démocraties occidentales, des cultures et des structures similaires sont déjà en place. [...] 

Avec la prévalence des plateformes de média sociaux ou des applications de quantification, une culture de la notation dans de nombreux États occidentalisés, où presque tout peut désormais être quantifié, mesuré et dès lors associé à une valeur. Plusieurs plateformes de médias sociaux collectent en continu des sommes de données considérables auprès de leurs utilisateurs, et on trouve aussi des entreprises qui utilisent les donnes collectées par des dispositifs portables afin d'offrir à leurs utilisateurs des encouragements discrets afin de se conformer à certains comportements. Le concept de surveillance n'est pas inconnu des états démocratiques. 
In [a Washington Post] 2018 survey with 2,209 Chinese citizens and dozens of in-depth interviews on different types of social credit systems in China, this is what we found :
1. Most Chinese citizens approve of both commercial and government social credit systems.
2. Wealthier citizens were highly in favor. à
3. There’s low social trust in Chinese society.
4. There appears to be strong public support for a centralized government credit system after 2020.
5. The nascent social credit schemes have very limited reach.  

ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX

EXTRACTION DES TERRES RARES

« China produces 85% of global supply of the 17 chemically similar elements crucial to smartphone, camera lens and magnet manufacture – and half that output is from the city of Baotou. ​ Processing rare earths is a dirty business. Their ore is often laced with radioactive materials such as thorium, and separating the wheat from the chaff requires huge amounts of carcinogenic toxins – sulphates, ammonia and hydrochloric acid. Processing one ton of rare earths produces 2,000 tons of toxic waste; Baotou's rare earths enterprises produce 10m tons of wastewater per year. They're pumped into tailings dams, like the one by Wang's village, 12km west of the city centre. ​ »
Photos : C. Dégremont
« Vu du ciel, on dirait un grand lac, alimenté par de nombreux affluents. Sur place, on découvre une étendue opaque, où ne vit aucun poisson, où aucune algue n'affleure à la surface. Ses bords sont recouverts d'une croûte noirâtre, si épaisse que l'on peut marcher dessus. Il s'agit en fait d'un immense déversoir de 10 km2, dans lequel les usines environnantes rejettent des eaux chargées de produits chimiques qui ont servi au traitement de 17 minéraux recherchés sur toute la planète : les "terres rares". »

AUGMENTATION DE LA RICHESSE

Poussée par sa démographie, la Chine est depuis 2009 la première importatrice mondiale de matières premières agricoles et de métaux. En 2017, elle est devenue la première importatrice de pétrole. Conséquence de son urbanisation folle, entre 2011 et 2013, la Chine a consommé plus de sable que les États-Unis durant tout le vingtième siècle. Elle a dû s’approvisionner partout, de l’Indonésie au Maroc. Sa politique pousse à l’extractivisme. Mais aussi à la déforestation. 80 % du soja brésilien est exporté en Chine, afin de nourrir les nouvelles pratiques alimentaires de la population chinoise.

FUTUR PARADIS ÉCOLOGIQUE ?

The world’s first “Forest City,” created to fight pollution, is now under construction in Liuzhou, Guangxi Province, China. Designed by Stefano Boeri Architetti, a team that develops green projects all around the world, the futuristic Forest City will be home to a community of about 30,000 people. It will be covered in greenery, including nearly 1 million plants of more than 100 species and 40,000 trees that together absorb almost 10,000 tons of carbon dioxide and 57 tons of pollutants, and produce approximately 900 tons of oxygen annually. As a result, Forest City will help to decrease the average air temperature, improve local air quality, create noise barriers, generate habitats, and improve local biodiversity in the region.
It’s a story that’s played out in China before. Tianjin’s Binhai New City, along the east coast, was envisioned as a new financial powerhouse when former Premier Wen Jiabao launched the project more than 10 years ago. In 2019, only 100,000 people lived and worked in the Sino-Singapore Eco City, Binhai’s flagship project, far short of the government’s goal of having 350,000 permanent residents by 2020. [...]
Wang Xuelian, a 33-year-old mother of two, was puzzled by the whole notion of an eco-city. “Every day when I open my window I get to see nature. I don’t know why they want to demolish it to build some fake greenness,” she said.

UNE OPPOSITION MUSELÉE